Zémidjan, Emmene moi-vite *in french only

*L’illustration est de Manu Atohoun @lightmanu un designer venant du Bénin. Son travail peut être vu ici.

Voici, le premier article de Maryline, membre émérite de mon #ForeverGirlfriendSquad.

The Mymy Projet est une plateforme pour tous ceux qui veulent nous emmener vers leur univers et même sortir de leur zone de confort. On accueille donc ma compagnone de toujours, entrepreneure à la tête de 6horizon, un société de design d’intérieur aux influences métissées. (allez visiter son e-shop, mon article préféré “Le Dahomey”est d’ailleurs dans mon salon)

Partons à la découverte du Zémidjan du Bénin, le taxi moto local:

Aujourd’hui je suis une femme libre ! Pendant 2 heures je ne suis ni une mère, ni une épouse, ni une employée. Pendant ces quelques minutes de liberté dans nos emplois du temps serrés, je vais être une bloggeuse et oser de nouvelles expériences. Ça ne m’arrive pas ces pauses, je suis frénétique. Depuis hier soir j’ai planifié ça dans ma tête et je suis excitée par ce nouveau jour qui vient.

MymyKoira je sais que tu aimes parler tendance, découvrir les tendances partout où elles sont, de Paris à Londres en passant par Abidjan et… Cotonou ! Je connais peu la night life cotonoise. J’ai dansé au Code Bar, un pub très sympa en bord de route construit avec des matériaux recyclés mais il n’était que 22 heures alors le mouvement n’était pas à son top.

J’ai dansé toute la nuit au New York (Abidjan passe bien de Petit Paris à Manhattan  d’Afrique, pourquoi on n’aurait pas notre NY ?!) avec un groupe de Pakistanais ou d’Indiens déchaînés. Mais la folie est contagieuse et ce soir-là je l’étais aussi.

Ma connaissance du Cotonou qui bouge s’arrête là les zamis. Je connais mieux les contours de mon lit.

Vous l’aurez compris, mon article portera sur autre chose : les Zem (pour zémidjan, ce qui signifie emmène-moi vite) ou encore moto taxi !

Le truc à essayer quand on est un étranger installé au Bénin, le moyen de transport incontournable quand on n’a pas d’autres moyens de transport et qu’on n’a juste pas le choix. En Amérique du Nord et en Europe on parle de la cohabitation cycliste ou piéton / voiture. Ici on cohabite avec les Zem ces rois de la route. Rois de la route parce qu’ils sont clairement plus nombreux que les 4 roues. Je me souviens à notre arrivée, mon fils de 3 ans me demande « mais maman elles sont où les autos ? » C’est vous dire… Et rois de la route parce qu’ils se pensent seuls tout simplement.

Depuis mon arrivée en septembre 2016 je regarde donc ces motos taxi de loin. Je les côtoie depuis ma voiture ou elles représentent un danger de tous les instants. Elles arrivent par centaine sur les routes, zigzagent entre les voitures, vous klaxonnent à tout bout de champs le pour signaler leur présence (quand on ne connaît pas son code, un homme avertit en vaut deux), vous insultent au passage sans qu’on sache jamais trop pourquoi et j’en passe.  Bref, le Kékénon ou conducteur de moto est un danger. Mais il pense au moins au casque. Ici le port du casque est obligatoire pour le chauffeur. Mais manifestement la loi ne précise pas quel casque : casque de moto, casque de vélo, casque de construction. Tout y passe.

L’essentiel est le casque. Bon il vaut mieux une demi ou un tiers de protection que rien du tout n’est-ce pas ? Rien du tout… Il y a en plein des riens du tout. Des personnes à 4 sur une moto sans casque, des bébés en bas âge sans casques… Comme dirait mon fils âgé de 3 ans, c’est n’importe quoi.

Des images me viennent parfois en tête quand je suis au volant je me dis : Mon dieu et si ce bébé chutait ? Mais Dieu merci je n’ai rien vu de tel. Je laisse cela aux urgences des hôpitaux qui semblerait-il sont remplies de victimes d’accidents de la route.

Pour Mymy j’ai décidé aujourd’hui de laisser tomber mes réticences et de monter sur un Zem. Journée idéale en plus : c’est la fête du vaudou. A défaut de participer aux célébrations (la foule ne me tente pas aujourd’hui) je vais m’imprégner différemment de ma ville.

Me voici donc super excitée ce matin à l’idée de monter sur un Zem. Pour tout vous avouer, oubliez mon paragraphe plus haut sur la sécurité : je n’avais pas de casque et je m’en fichais pas mal. Le plus important était de profiter de mon moment, aucun obstacle ne pouvait se dresser sur ma route !

Le plan ? Aller en Zem a la Fondation Zinsou ou le café est excellent semblerait il et écrire mon papier dans un environnement de culture. Vous ne connaissez pas cette célèbre fondation ? Allez ça sera mon prochain papier, promis.

Je sors de chez moi donc, je marche quelques secondes et le voilà qui arrive ! Pas besoin de héler « Kékénon» comme on m’a appris au travail à notre arrivée. Nous il s’est arrête et m’a juste dit : On va ? C’était réglé. On nous a aussi appris qu’il faut demander le prix avant (moi je respecte toujours les cadres et les consignes). J’ai donc demandé avant de monter c’est combien pour le commissariat central ? Mon mari qui ne doit pas comprendre mon excitation du jour m’avait dit que ça couterait entre 400 et 500 fcfa. Le conducteur m’a dit 400. J’étais déçue de ne même pas avoir à négocier.

Enfin bon je monte en pensant à un collègue qui m’avait dit que quand ça va trop vite il faut dire Mollo molo. Je pensais avoir à rappeler le chauffeur à l’ordre en intimant des molo molo. Apres tout quand je conduis ils sont bien des dangers. Mais non même pas. Jean Pierre roulait prudemment !

Bon rien ne s’est comme je l’avais imaginé finalement… Un chauffeur qui arrive trop rapidement, qui ne me surtaxe pas, qui roule prudemment. Il ne manquerait plus qu’il me propose un casque !

Vous savez quoi ? Ce ride en Zem à Cotonou c’était génial ! Quel sentiment de liberté ! Quel plaisir que de découvrir la ville différemment. De se déplacer en sentant le vent, à un moment ou heureux hasard, il n’y a pas de circulation. De pouvoir sentir les odeurs de beignets en bord de route. Ah flute des odeurs de pot d’échappement aussi et d’ordures… Bon ce n’est pas grave, ça fait partie de la game. Et pour le coup, je réalise que le danger c’est les autres. On a moins conscience de la dangerosité de la chose une fois qu’on est à bord.

Et voilà mon tour de ville s’arrête, Jean Pierre me dépose devant la Fondation Zinsou. Pleine d’intuition (non en fait j’anticipe tout) je lui dis ne pars pas au cas où ça serait fermé. Et BAM ! C’est fermé ! Et mon café alors ? Et mon billet ? Pas de problème ma belle, remonte sur ta moto et continue ta route. Je dis donc à Jean Pierre de me déposer dans un café non loin du bureau. Ouf il est ouvert, je vais pouvoir comme prévu profiter d’un café, rédiger mon article (à l’extérieur, en plein 35 degrés facile) et boire mon jus d’ananas naturel pour me rafraîchir.

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Moi avant de démarrer en moto

 

 

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Moi  (+ mon chauffeur) osant prendre le selfie sur la photo

 

Un peu d’histoire

Zémidjan : nom en fong, langue local ; qui signifie Emmène-moi vite

Apres la crise des années 90 survenue dans de nombreux pays d’Afrique, les Etats africains se sont retirés dans de nombreux domaines dont celui du transport public. Le Bénin n’a pas fait exception. Les motos se sont donc multipliées pour pallier aux insuffisances des transports publics. Moi onéreux à l’achat que des voitures, moins cher à l’entretien, c’est aussi les véhicules les plus adaptées pour les routes chaotiques.

Elles vont la ou les voitures ne vont pas (pensez aux routes de terre en période des pluies) et plus rapidement.

Face au chômage galopant, faire le taxi est donc devenu une solution rentable. Progressivement on a assisté à la disparition des taxis 4 roues, remplacées par les Zem. Ce qui était donc certainement un cas isolé au début est devenu un phénomène généralisé. Activité à temps plein pour certain (c’est le cas de Jean Pierre, mon chauffeur qui se fait environ 50 000 frc par mois, soit un peu plus que le salaire minimum qui est de 40 000), à temps partiel pour d’autres qui essayent ainsi de joindre les deux bouts.

Il a donc fallu rapidement encadrer la profession. Paiement de licence (minimal pour ne pas étouffer financièrement les chauffeurs mais qui permettent de rapporter des revenus à l’Etat), création de syndicats, port du casque, tenue pour les identifier etc. Le Zem porte donc une chemise jaune avec un numéro a l’arrière.

Phénomène socio-économique le Zem est aussi un phénomène à analyser sous l’angle politique.

La dernière campagne Talon vs Zinsou (oui oui le Mr de la fondation de tantôt) a vu une pratique naître : utiliser leur nombre pour en faire des relayeurs d’opinion qu’ils sont. Les Zem se faisaient donc aborder par les candidats pour relayer leurs messages, afficher sur leur tee shirt leur candidat. Il aura fallu un enjeu politique pour les instrumentaliser euhh non pardon pour identifier leur potentiel. Mais très franchement j’ai trouvé l’idée intéressante en termes de communication. On peut être d’accord ou pas mais ça créé le débat. Dans des pays ou la fracture numérique est immense (ne me startez pas sur l’Afrique et son potentiel numérique. Le potentiel est sans doute là pour les spécialistes de la question mais actuellement la fracture numérique est réelle. Au Bénin Seulement 15,8 % de la population a accès à un ordinateur. L’accès à une connexion internet est de 8% comparativement à 20% au Sénégal), les opinions ne s’échangent pas sur Internet, exception faite de la diaspora. Pas plus qu’a la TV parce que les chaînes publiques font dans la partisannerie. L’opinion est dans la rue.  Or qui occupe les rues ? Les Zem, ces rois de la route.

Par la suite on a vu des organisations (la mienne en fait), faire passer des messages de santé publique via les Zem. 

Bref les Zem ce n’est pas n’importe quoi !

Merci à MymyKoira de m’avoir poussé sans le savoir à vivre cette expérience en m’exhortant depuis des jours à faire quelque chose pour moi. Je l’ai fait. Pour elle, et pour moi.

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